Thursday, February 9, 2017

Daniel Pinter Dzeni a demandé l'asile politique en Allemagne
Après la chute du régime socialiste yougoslave puis la chute du régime Milošević, un mouvement gay s’est développé et a abouti à la reconnaissance de certains droits à la non-discrimination, ainsi qu’au droit à organiser des activités comme la gay pride. Depuis quelques années, la Serbie connaît cependant un retour à des situations politiques dans lesquelles de nombreux acteurs de premier plan sont issus de partis naguère ouvertement hostiles aux gays. C’est la douche froide: les progrès qui ont été enregistrés ne sont pas à la hauteur de la situation vécue au jour le jour par les gays. Les situations de violence, de rejet et de discrimination ne sont nullement en baisse et on constate une usure de la résistance de certains militants, dont un certain nombre décident de fuir le pays. Une défection supplémentaire est enregistrée parmi les activistes LGBT. C’est à Novi Sad que l’on enregistre le départ vers l’exil de Daniel Jenny Pinter, destination: l’Allemagne. Voici un article de sa main, traduit du serbe, et publié initialement dans Kontra Portal. Bonne chance à lui dans sa nouvelle vie. Dragan Grcic 
La Serbie continue de perpétuer la violence, la discrimination et la torture, face au monde qui ne réagit pas! 

Daniel Pinter Dženi (Jenny), activiste LGBT et drag queen serbe a quitté le pays et a demandé le statut de réfugié en Allemagne 

Trois raisons pour lesquelles j’ai quitté la Serbie

1. Car depuis plus de sept années j’ai attendu en vain que les institutions du système me protègent des hooligans et et parce que, en fin de compte, elles ne le font pas

En 2010, un voyou dénommé Predrag Prgić, de Bečej, m’a attaqué en raison du fait que j’étais une personne LGBT et parce que j’avais participé à l’organisation de la Marche des fiertés (Parada Ponosa) en Serbie. Il a fallu trois ans au tribunal pour rendre un jugement le reconnaissant coupable de m’avoir brisé une arcade et qui m’a presque fait perdre l’usage d’un oeil, ce pour quoi il a été condamné à quatre (4) euros de sanction en correctionnelle, et à mille (1.000) euros au civil, au titre de dédommagement. A deux reprises le tribunal a réduit le montant des dédommagements qui m’étaient destinés. Quoiqu’il en soit, le jugement n’a toujours pas été exécuté en 2017.
Cette politique de légèreté des peines pour l’agresseur décourage le fait pour une victime de recourir aux institutions de Serbie, dans une une situation similaire.

2. Car en Serbie, il est impossible y compris aux discriminés de venir en aide aux discriminés

En octobre 2016, Mme Marija Protić, mère à Novi Sad d’une enfant autiste âgée de sept ans, a souhaité me recruter en tant que juriste diplômé et personne transgenre, pour devenir l’assistant pédagogique de sa fille à l’école. Bien que, selon la loi, sa fille avait le droit à un assistant pédagogique, et alors que je répondais à toutes les conditions pour effectuer ce travail, et après que la mère et la fille m’aient choisi, je n’ai jamais pu le faire, malgré les demandes et lettres de Marija Protić adressées en urgence à toutes les institutions compétentes de Serbie, dans lesquelles elle demandait que sa fille puisse bénéficier de son droit à un assistant pédagogique, et que ce soit moi.

3. Car nul innocent ne sait s’il sera accusé ou maltraité devant les tribunaux

Un an plus tôt a été lancée contre moi une procédure sur base de l’accusation que j’aurais «abusé et dégradé le bien d’une autre personne», c’est-à-dire d’avoir lancé une pierre contre une fenêtre de la radio-télévision RTV Vojvodine, une institution où j’ai travaillé naguère et que j’ai volontairement quittée en 2003.
Aucune preuve ne permettait de m’accuser et, refusant de m’acquitter, le tribunal a lancé en janvier 2016 un appel aux témoins, qui n’avaient pas de connaissance suffisante, pour donner de nouveaux témoignages, ne me laissant pas la possibilité de prévoir combien de fois et combien de témoins de RTV Vojvodine seraient appelés à me «reconnaître» devant le tribunal, et sans que je sache combien de temps tout cela durerait. Fatigué d’être maltraité par cette procédure d’une année durant, j’ai demandé que soient appelés comme témoins tous les employés de cette institution, de sorte qu’après leurs témoignages nous puissions arriver au terme de la procédure, mais cette demande a été rejetée.
J’ai aussi fait savoir qu’à mes yeux, ce procès est illégal et immoral pour une raison supplémentaire: M. Nenad Čanak, politicien serbe de premier plan, a détruit la porte de la RTV Vojvodine en 2001 et contre lui rien n’a été fait, alors que les preuves étaient plus que suffisantes puisqu’il l’a fait devant les caméras de télévision et en retransmission en direct à la télévision, devant les regards de la nation toute entière. Pourtant aucune procédure n’a été intentée contre lui, ni à Novi Sad ni ailleurs, malgré le fait que tous les éléments étaient présents pour accuser et juger M. Čanak. Le fait qu’aujourd’hui une procédure soit lancée contre une personne en Serbie, contre moi, qui suis accusé illégitimement, cela permet de conclure qu’aux yeux de la loi, en Serbie, nous ne sommes pas tous placés sur un pied d’égalité.

Et puis…

Eisenhüttenstadt, Allemagne, 4 février 2017

En exil

Daniel Pinter Dženi


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